Et si la troisième vague était celle de la détresse psychologique ?
Par Cendrine MERCIER – Maitre de conférences à l’Université de Nantes et Psychologue clinicienne - Membre titulaire du Centre de Recherche en Éducation de Nantes (CREN - EA 2661). (Le 5 décembre 2020)
Presque un an après la détection du premier cas de coronavirus en France (le 27 décembre 2020), nous ne pouvons pas envisager les effets économiques, sociologiques et plus particulièrement psychologiques de la population. Pourtant, la recherche actuelle tente de mettre en avant les effets de cette crise sanitaire sur la scolarité des élèves du premier (maternelle et primaire; Durpaire , 2020) et second degré (collège et lycée), mais également des étudiants de l'Université ( Mercier , 2020; Sahu , 2020) pour qui la reprise n'est pas envisagée avant janvier ou février 2021 (en fonction de l'évolution de la pandémie).
Dans leur article pour Le Journal des psychologues, Bouchat et ses collaborateurs (2020), pour qui cette crise est un « événement émotionnel collectif de haute intensité […] s’inscrivant dans la durée », exposent trois études sur l’impact psychosocial de la pandémie. La première étude traite de l’expression et le partage social des émotions par Twitter dans 18 pays au moment du déclenchement de la pandémie. Cette première enquête met en avant le les émotions de plusieurs populations au cours de la phase initiale de la crise sanitaire. Les auteurs relèvent que les twittes sont d’abord caractérisés par un accès « abrupt de manifestations anxieuses qui décroît ensuite pour laisser la place à l’expression de tristesse doublée d’un déclin des manifestations de colère » (Metzler et al., 2020). Une autre enquête par questionnaire en ligne en Belgique, auprès de 1383 personnes, avait pour objectif de mettre en lumière l’impact émotionnel et social du confinement puis déconfinement. Une des conclusions est plutôt rassurante, car elle souligne que les sujets avaient un sentiment de solitude relativement bas, aucun sentiment d’abattement psychologique ou de panique généralisée. Ces éléments nous permettent de rendre compte de l’état psychologique des adultes (n’ayant pas vécu de situation dramatique) au cours des différentes périodes de la crise sanitaire. L’enquête CoviPrev de Santé publique France n’est pas aussi positive que les auteurs précédemment cités.
Qu’en est-il pour les enfants ? Notre équipe de recherche (Mercier et al., 2020) s’est interrogée, au cours de la première période de confinement, sur les effets de la crise sanitaire sur le bien-être des collégiens de France et du Vietnam. Les premiers résultats sont intéressants et feront prochainement l’objet de différentes publications. Ce que nous pouvons dévoiler dans un premier temps, c’est que le sentiment de bien-être des collégiens est satisfaisant, mais ce niveau de satisfaction est supérieur quand ils sont dans leur établissement scolaire par rapport à leur vécu scolaire à domicile (avant ou après le confinement). D’autres travaux à l’international mettent également en avant cette observation, par exemple, les travaux de Qiu et collaborateurs (2020) indiquent que les enfants de moins de 18 ans ont un score de détresse psychologique inférieur à celui des adultes.
Le premier confinement et déconfinement étaient des événements nouveaux pour tous les êtres humains de cette planète. Le second confinement semble avoir des effets plus conséquents sur la population. Quels vont être les effets psychologiques à long terme ? Pour le moment, il faut poursuivre nos efforts et accompagner les personnes les plus vulnérables sur le plan psychologique.
Bibliographie :
Bouchat, P., Metzler, H., & Rimé, B. (2020). Crise et pandémie. Impact émotionnel et psychosocial du confinement. Le Journal des psychologues, 380(8), 14-20. https://www.cairn.info/revue-lejournal-des-psychologues-2020-8-page-14.htm
Durpaire, J.-L. (2020). Quelques effets de la COVID-19 sur l’école dans le monde. Revue internationale d’éducation de Sèvres, 84, 19-23. https://doi.org/10.4000/ries.9758
Mercier, C. (2020, sous presse). Formation distanciée et bien-être des étudiants. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU). https://doi.org/10.18162/ritpu-2020-v17n1-01
Mercier, C., Constans, S., Zanna, O., Florin, A., Guimard, P., Coudronnière, C., Toussaint, E., Bouderbela, S., Jacquin, J., Ferrière, S., Et Ngo, H. (2020). Projet international - Le bien-être de collégien durant la crise sanitaire [Recherche action - en cours]. Université de Nantes / Inspé -CREN. http://cren.univ-nantes.fr/recherches/developpement-de-dispositifs-pedagogiques-desoutien-pour-favoriser-le-bien-e%cc%82tre-subjectif-des-collegiens-en-france-et- au-vietnam-ala-suite-du-confinement-lie-a /
Qiu, J., Shen, B., Zhao, M., Wang, Z., Xie, B., et Xu, Y. (2020). Une enquête nationale sur la détresse psychologique chez les Chinois dans l'épidémie de COVID-19: implications et recommandations politiques. Psychiatrie générale, 33 (2). https://doi.org/10.1136/gpsych-2020-100213
Sahu, P. (2020). Fermeture des universités en raison de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19): impact sur l'éducation et la santé mentale des étudiants et du personnel académique. Curée, 12 (4). https://doi.org/10.7759/cureus.7541
Santé publique France. (2020). Covid-19: Une enquête pour suivre l'évolution des comportements et de la santé mentale pendant l'épidémie. Santé publique France. / etudes-et-enquetes / covid-19-uneenquête-pour-suivre-l'évolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie
MERCIER Cendrine
Maitre de conférences à l’Université de Nantes et Psychologue clinicienne - Membre titulaire du Centre de Recherche en Éducation de Nantes (CREN - EA 2661).
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